Galadriel Avon
Revue Ex_situ, No. 27, Décompositions, 2021. © Galadriel Avon.

No. 27, Décompositions

Ex_situ | 2021
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Les matières, les choses, les êtres et les structures. Leurs désagrégements, leurs métamorphoses, leurs décompositions — puis leurs recompositions. C’est en prenant comme angle leur potentiel de transformation que les auteurs et autrices donnent naissance à des réflexions plurielles sur ce qui nous entoure. Le bourgeonnement de formes et de motifs, leur altération, leur démantèlement visant à mieux les restituer ou encore leur mort lente les laissant devenir des ruines sont autant de pistes conviées. C’est finalement au cours des choses que s’intéressent les collaborateurs et collaboratrices de ce numéro. Qu’est-ce que la matière, et à quoi son histoire la voue-t-elle? Des réponses aussi intimes que réfléchies, discutées et analysées sont tentées dans cette nouvelle édition d’Ex_situ.

édition | Galadriel Avon
révision | Clara Déry et Claudine Bergeron
graphisme | Aleksandra Krakowiak
distribution et lancement | Galadriel Avon et Clara Déry




éditorial 

Annoncer la disparition, et nous rêverons encore
Galadriel Avon

Les matières sont des miroirs. Les microcosmes qu’elles sculptent sont de vastes tissus organiques qui se font à la fois témoins et supports de relations souvent très similaires aux nôtres: l’aléatoire auquel cet écosystème nous convie n’est qu’une réverbération du monde construit mais agité et instable que nous habitons. Des rencontres perpétuelles suivent leur cours. Elles donnent à voir une métamorphose incessante, une désorganisation qui pousse toujours à la reconstruction. Elles sont signes du temps qui passe, lui qui, à peine perceptible, laisse des marques sur tout ce qui se pose sur son chemin.

Parfois réfractaires aux changements, d’autres fois dupées par les manipulations humaines, les choses ont à la fois une vie propre et une vie assignée. Ce rythme entre ce qui se bâtit de soi et ce qui ne peut devenir que par la main de l’autre révèle des mécanismes, des systèmes. C’est à eux que s’attaquent des lucioles[i]; ces artistes qui, par les images qu’ils et elles fabriquent, résistent. Iels s’évertuent à rendre tangible l’intangible, à déconstruire ce qui semble ne pas vouloir plier l’échine, à révéler le mouvement dans la stabilité, à provoquer des soulèvements. C’est, finalement, à décomposer l’environnement pour en créer un nouveau, magnifié par leurs gestes, que se prêtent ces architectes du monde.

Non sans faire écho à l’incertitude qui guette l’avenir, la thématique du numéro propose que l’écroulement ne soit que le début de quelque chose d’autre, de quelque chose qui n’est pas encore, de quelque chose qui est appelé à être imaginé. La surface du monde est empreinte de réponses; les tensions inouïes entre le défaire et le refaire laissent libre cours à l’émergence constante de nouvelles possibilités.

C’est ce fil de lecture, une valse dynamique, que l’on a cru bon tisser à travers les diverses propositions qui composent notre nouvelle édition papier. Des fragments du réel deviennent les matières premières de cette toile d’idées dans laquelle nous plongent les auteurs et autrices. Le maillage d’essais, de poèmes, de courtes proses et de démarches artistiques singulières rend visibles différents angles de la décomposition qui, pourtant, dialoguent ensemble pour ne créer qu’une réflexion commune sur ce que le monde peut être, dans l’ici et dans l’après, au-delà de la ruine.

En espérant ce numéro riche en potentialités, pour que nous rêvions encore…



[i] DIDI-HUBERMAN, Georges. 2009. Survivance des lucioles, Éditions de Minuit, France, 144 p.