No. HS, Exposer les corporéités hors normes
Ex_situ | 2023
> lire sur la plateforme originale.
Ex_situ | 2023
> lire sur la plateforme originale.
Le champ des arts regorge, depuis son dernier tournant majeur du 20e siècle, d’initiatives visuelles et performatives donnant à voir le corps sous de nouveaux jours. À travers sa porosité, ses capacités de rencontres, ses diverses sensibilités, ses limitations et ses orientations, la corpéréité est désormais investie via sa pluralité et son aspect protéiforme. Les nouvelles technologies, les théories critiques, les mobilisations queer et la science-fiction sont autant de prismes par lesquels se mettre en scène et réfléchir ses propres représentations, tous donnant une nouvelle teneur aux façons de se voir, de se penser et de se nommer. Des pratiques éclatent au sein de ce numéro le concept d’identité afin de le repositionner dans son pluralisme et de l’interroger à l’aune de normes elles-mêmes situées.
co-direction | Jessica Ragazzini et Quentin Petit Dit Duhal
édition | Galadriel Avon
assistance à l’édition | Marie-Hélène Durocher
révision | Carla Cruz et Avril Gazeau
graphisme | Aleksandra Krakowiak
distribution et lancement | Galadriel Avon, Alexandra Dumais et Béatrice Larochelle
éditorial
Exposer les corporéités hors normes
Jessica Ragazzini et Quentin Petit Dit Duhal (éd. Galadriel Avon)
Constatant un retour au corps dans les pratiques artistiques et les expositions, ce numéro hors série spécial anniversaire cherche à provoquer le questionnement vis-à-vis les mises en scène de nouvelles corporéités — hybrides, multiples et mouvantes. À la fin des années 1960, les critiques féministes, queers, post-coloniales et décoloniales placent des corporéités échappant à la portée universelle du corps blanc, masculin, hétérosexuel et valide comme de nouveaux sujets de discours politiques et de pratiques sociales. Ce renouvellement dans le champ artistique et ses modes de (re)présentations invite au saisissement, à la réflexion.
Si les études de genre postulent que le féminin et le masculin sont des constructions sociales non réductibles au déterminisme biologique, la science et la médecine ont donné, depuis les années 1980, une nouvelle forme médiatique à l’hors norme lorsque celui-ci se confond à la technologie, entre autres par l’exploration de la figure du cyborg et du corps post-humain. Ces différents registres de corporéités composites s’imposent dans la sphère muséale depuis les années 1990, notamment par le biais de la performance qui présente le corps, son mouvement et son immobilité comme des objets d’art, mais également dans le choix des thématiques mêmes des expositions.
Chairs manipulables sensibles, les peaux tournantes, recouvrantes de la performance M. Gros (Geneviève & Matthieu, 2022) annoncent en couverture les frontières poreuses existant entre soi et l’autre, puis entre leurs intimités et leurs expositions, qui sont sondées dans ce numéro. À travers leurs rôles contradictoires et complexes, ces peaux sont abris comme parties: elles sont contact et membrane, protègent et empêchent, s’émeuvent bruyamment, s’éprouvent réciproquement. Elles sont ce qui sépare autant que ce qui lie; sont des couches épidermiques épaisses et molles qui nous permettent de nous tracer. La chair est instable, variable; retient en permanence notre intériorité; est aussi fragile et friable.
Des corps composites, fictifs ou réels, traversent ainsi différents contextes, s’exhibent audacieusement. Des chairs qui s’estiment parfois au-delà des limites de la figuration et de l’identité, mais également des frontières biologiques, notamment via la science-fiction (féministe) et le travestissement. Ce sont à toutes ces narrativités que nous convie cette nouvelle édition, déployée sous le signe d’une reconsidération des aprioris systémiques binaires et hétéronormatifs au profit d’une revalorisation des vivant·e·s et de leurs composantes.
[i] Maurice Merleau-Ponty. 2014 [1945]. Phénoménologie de la perception, Éditions Gallimard, Paris, p. 184.
co-direction | Jessica Ragazzini et Quentin Petit Dit Duhal
édition | Galadriel Avon
assistance à l’édition | Marie-Hélène Durocher
révision | Carla Cruz et Avril Gazeau
graphisme | Aleksandra Krakowiak
distribution et lancement | Galadriel Avon, Alexandra Dumais et Béatrice Larochelle
éditorial
Exposer les corporéités hors normes
Jessica Ragazzini et Quentin Petit Dit Duhal (éd. Galadriel Avon)
« Être corps, c’est être noué à un certain monde »[i]
Constatant un retour au corps dans les pratiques artistiques et les expositions, ce numéro hors série spécial anniversaire cherche à provoquer le questionnement vis-à-vis les mises en scène de nouvelles corporéités — hybrides, multiples et mouvantes. À la fin des années 1960, les critiques féministes, queers, post-coloniales et décoloniales placent des corporéités échappant à la portée universelle du corps blanc, masculin, hétérosexuel et valide comme de nouveaux sujets de discours politiques et de pratiques sociales. Ce renouvellement dans le champ artistique et ses modes de (re)présentations invite au saisissement, à la réflexion.
Si les études de genre postulent que le féminin et le masculin sont des constructions sociales non réductibles au déterminisme biologique, la science et la médecine ont donné, depuis les années 1980, une nouvelle forme médiatique à l’hors norme lorsque celui-ci se confond à la technologie, entre autres par l’exploration de la figure du cyborg et du corps post-humain. Ces différents registres de corporéités composites s’imposent dans la sphère muséale depuis les années 1990, notamment par le biais de la performance qui présente le corps, son mouvement et son immobilité comme des objets d’art, mais également dans le choix des thématiques mêmes des expositions.
Chairs manipulables sensibles, les peaux tournantes, recouvrantes de la performance M. Gros (Geneviève & Matthieu, 2022) annoncent en couverture les frontières poreuses existant entre soi et l’autre, puis entre leurs intimités et leurs expositions, qui sont sondées dans ce numéro. À travers leurs rôles contradictoires et complexes, ces peaux sont abris comme parties: elles sont contact et membrane, protègent et empêchent, s’émeuvent bruyamment, s’éprouvent réciproquement. Elles sont ce qui sépare autant que ce qui lie; sont des couches épidermiques épaisses et molles qui nous permettent de nous tracer. La chair est instable, variable; retient en permanence notre intériorité; est aussi fragile et friable.
Des corps composites, fictifs ou réels, traversent ainsi différents contextes, s’exhibent audacieusement. Des chairs qui s’estiment parfois au-delà des limites de la figuration et de l’identité, mais également des frontières biologiques, notamment via la science-fiction (féministe) et le travestissement. Ce sont à toutes ces narrativités que nous convie cette nouvelle édition, déployée sous le signe d’une reconsidération des aprioris systémiques binaires et hétéronormatifs au profit d’une revalorisation des vivant·e·s et de leurs composantes.
[i] Maurice Merleau-Ponty. 2014 [1945]. Phénoménologie de la perception, Éditions Gallimard, Paris, p. 184.