Les potentialités subversives d’une narration du réel
Centre d’art de Kamouraska | 2022
> lire sur la plateforme originale.
Centre d’art de Kamouraska | 2022
> lire sur la plateforme originale.
À travers un récit fragmentaire jalonné de coïncidences et d’oscillations entre réel et fiction – ou n’était-ce que réel? –, Sophie Létourneau livre une discussion secrète dont elle assume et dévoile chaque retranchement. Vécue dans l’intimité, cette chasse à l’homme se fait objet d’une (ré)écriture perpétuelle : « [u]n personnage, ai-je dit aux étudiants, c’est quelqu’un qui dit oui à ce qui lui arrive, en dépit des conséquences, pour que l’histoire avance. » (Létourneau, p. 141) Ses dédales dans plusieurs villes, marqués par une soutenance de thèse, des lancements de livres, des postes au sein d’universités et, surtout, par des rencontres, laissent place à la découverte annoncée de « l’homme de sa vie », arrivée révélatoire et ponctuation d’une chronologie découpée, empreinte de résistances prometteuses d’avenir–s.
Le recours à la voyance, notamment, devient une stratégie narrative où l’imaginé, le vécu, le rêvé, le recherché et le raconté acquièrent la possibilité de ne devenir qu’un. S’étant fait prédire ce qui arriverait, Létourneau emprunte des chemins qui, connus et inconnus à la fois, jouent avec le hasard : « [c]ette histoire a commencé au moment où je l’ai suivie. » (Létourneau, p. 49) Elle se pense ainsi sujet; se donne une agentivité; se crée actrice et auteure des traversées qu’elle fait siennes.
Des allers-retours entre pensées intimes et références littéraires façonnent une écriture qui, finement travaillée, assoit une réflexion intelligente sur les ressorts de la littérature, l’omniprésence des relents patriarcaux dans la vie quotidienne, le désir d’être aimé·e – et la possibilité, en tant que femme, de le revendiquer pleinement. Quelquefois silencieuse mais toujours présente, cette vue critique, éveillée laisse transparaître les affects de l’auteure en regard du monde autour duquel elle gravite et dans lequel elle prend place.
Dotée d’adresse et de prescience, l’écrivaine se livre à un jeu autour de l’acte même d’écrire. Mise en abyme, le roman propose une réflexivité sur les choix posés lors de l’achèvement d’un récit qui est aussi celui d’une vie. À elle et à celui qu’elle n’attend pas, l’histoire se déplie, comme un talisman, « pour [se] lancer un sort ». (Létourneau, p. 137) Se permettant de se voir à l’œuvre, l’auteure traduit ainsi le long processus menant à l’objet convoité – celui du livre, et celui de l’amour.
Sophie Létourneau. 2020. Chasse à l’homme. La Peuplade, Saguenay, 193 p.
« Parce que j’ignorais encore que la littérature parle d’abord aux vivants, j’ai quitté Montréal au moment où notre histoire aurait pu commencer. » (Létourneau, p. 65)
Le recours à la voyance, notamment, devient une stratégie narrative où l’imaginé, le vécu, le rêvé, le recherché et le raconté acquièrent la possibilité de ne devenir qu’un. S’étant fait prédire ce qui arriverait, Létourneau emprunte des chemins qui, connus et inconnus à la fois, jouent avec le hasard : « [c]ette histoire a commencé au moment où je l’ai suivie. » (Létourneau, p. 49) Elle se pense ainsi sujet; se donne une agentivité; se crée actrice et auteure des traversées qu’elle fait siennes.
« Je publierais un livre heureux, la voyante disait, et c’est par ce livre que je rencontrerais l’homme de ma vie. [...] Pour t’attraper, je voulais une bulle de savon, un miroir aux alouettes, un théâtre de marionnettes. “Un harponnage romantique”, tu dirais. » (Létourneau, p. 87)
« L’avenir n’est peut-être pas écrit. Ce sont plutôt nos désirs qui possèdent une force dont on ne mesure la portée qu’a posteriori. » (Létourneau, p. 160)
Des allers-retours entre pensées intimes et références littéraires façonnent une écriture qui, finement travaillée, assoit une réflexion intelligente sur les ressorts de la littérature, l’omniprésence des relents patriarcaux dans la vie quotidienne, le désir d’être aimé·e – et la possibilité, en tant que femme, de le revendiquer pleinement. Quelquefois silencieuse mais toujours présente, cette vue critique, éveillée laisse transparaître les affects de l’auteure en regard du monde autour duquel elle gravite et dans lequel elle prend place.
« Cela peut paraître cavalier que de s’en remettre ainsi à une règle. Je me rappelle toutefois le soulagement que cela m’avait procuré, la certitude de ne pouvoir fauter puisque ce n’était pas moi qui décidais. · Si vous voulez connaître la valeur d’un homme, mettez-le à l’épreuve, et s’il ne vous rend pas le son du sacrifice, quelle que soit la pourpre qui le couvre, détournez la tête et passez. – Laure Conan. » (Létourneau, p. 109)
Dotée d’adresse et de prescience, l’écrivaine se livre à un jeu autour de l’acte même d’écrire. Mise en abyme, le roman propose une réflexivité sur les choix posés lors de l’achèvement d’un récit qui est aussi celui d’une vie. À elle et à celui qu’elle n’attend pas, l’histoire se déplie, comme un talisman, « pour [se] lancer un sort ». (Létourneau, p. 137) Se permettant de se voir à l’œuvre, l’auteure traduit ainsi le long processus menant à l’objet convoité – celui du livre, et celui de l’amour.
Sophie Létourneau. 2020. Chasse à l’homme. La Peuplade, Saguenay, 193 p.