Le moteur poétique comme horizon collectif viable
Centre d’art de Kamouraska | 2023
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Dans La vie habitable, Véronique Côté
aborde avec sagesse et sensibilité la
poésie comme moteur de nos
existences. L’auteure est traversée par
une désillusion, une colère ressenties
vis-à-vis le monde dans lequel elle vit
et doit, comme bien d’autres,
apprendre à se négocier. Pour se
délier, elle approche la contemplation
comme ultime ressource pour se
préserver contre la médiocrité
ambiante. Non pas seulement genre
littéraire, la poésie se déploie pour elle
dans tout ce qui l’environne – elle est
partout et ne coûte rien, n’en déplaise
aux impératifs consuméristes qui
ciblent plutôt le bonheur dans tout ce
qui s'achète. Pour Côté, s’ouvrir à ce
regard nouveau sur les petites choses
pose un baume sur les cicatrices qui
jaillissent d’un monde individualisé,
coupé de ses sources, pensé en silo et
retranché de ses ressorts collectifs. La
poésie devient un liant, peut-être le
seul qu’il nous reste pour travailler
ensemble à la beauté du monde.
Son essai poétique la conduit ainsi, à travers ses réflexions personnelles, à aborder ce sujet de recherche au gré de rencontres avec d’autres. Sa fréquentation de personnes issues de divers domaines, à savoir notamment la psychologie, l’art, l’anthropologie et la politique, fait tranquillement migrer sa trajectoire discursive. Faisant osciller ses propos entre la prise de parole subversive et la sublimation de ce qui l’habite intérieurement, elle livre par sa bouche et par celle des autres une réflexion poignante sur des enjeux qui nous habitent tou·te·s. Sommes-nous petit à petit en train d’amenuiser ce qu’il nous reste de beauté? Cette fenêtre – celle sur le monde qui nous permet de le voir fleurissant, effervescent, lumineux – se rétrécit-elle et, par ricochet, rend le souffle collectif plus court? Que faire pour nous mener à notre propre recommencement, alors que tout semble parfois fondre?
Appel à l’action, la proposition de Côté fait état d’un besoin : la nécessité de poésie pour la suite du monde. L’auteure entrevoit celle-ci comme s’affranchissant de toute logique marchande : « elle éclate et se crée en même temps » (Côté, p. 13). Comme symphonie, cette beauté est un chaos désobéissant et insoumis qui lutte contre les engrenages du monde. Contre une vie rangée mais malheureuse, Côté troque une vie heureuse modelée par une constante résistance vis-à-vis un monde qui capitule; pour elle, « toute poésie part de là : d’une insoumission, d’une insubordination, [puis elle] est l’expression de ce qui reste droit en nous quand tout fout le camp [...]. » (Côté, p. 73) Si cette lutte est épuisante lorsqu’elle est menée seul·e, elle peut aussi devenir une force agissante lorsqu’une collectivité s’y dédie. En ce sens, Côté convie les masses à combattre la menace d’un anéantissement à venir pour mieux penser la marge et s’agrandir à l’unisson. Récit d’espoir, La vie habitable est ainsi une invitation à se donner le droit à l’insubordination pour s’offrir une résilience commune dans laquelle puiser du beau, du lumineux, et enfin combattre l’ombre.
Véronique Côté. 2014. La vie habitable : poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires. Atelier 10, Montréal, 94 p.
« Vers la fin de l’adolescence, je me suis mise à chercher autre chose, ailleurs. Je pressentais une source, mais je ne la voyais pas. Et j’avais soif. De sens et de beauté. De résistance, de résilience et de lumière. J’avais soif, d’une sorte de soif que presque rien ne peut étancher. Je ne savais pas quoi faire. Je vivais avec. Je n’étais plus que ça : une assoiffée. De vigilance. De courage. De tendresse. D’infini. » (Côté, p. 44)
Son essai poétique la conduit ainsi, à travers ses réflexions personnelles, à aborder ce sujet de recherche au gré de rencontres avec d’autres. Sa fréquentation de personnes issues de divers domaines, à savoir notamment la psychologie, l’art, l’anthropologie et la politique, fait tranquillement migrer sa trajectoire discursive. Faisant osciller ses propos entre la prise de parole subversive et la sublimation de ce qui l’habite intérieurement, elle livre par sa bouche et par celle des autres une réflexion poignante sur des enjeux qui nous habitent tou·te·s. Sommes-nous petit à petit en train d’amenuiser ce qu’il nous reste de beauté? Cette fenêtre – celle sur le monde qui nous permet de le voir fleurissant, effervescent, lumineux – se rétrécit-elle et, par ricochet, rend le souffle collectif plus court? Que faire pour nous mener à notre propre recommencement, alors que tout semble parfois fondre?
« Il faut répondre au vacarme, rappeler à nous le désir. Et le désir a besoin d’espace pour exister. Il nous faut nous défendre de ce remplissage massif. Il faut convoquer le silence plus souvent, ménager des jours de paix, protéger des heures vierges de toute opinion. [...] Il faut du temps hors de tout ça pour faire advenir la pensée en liberté, la joie de parler par soi-même, et la poésie enfouie en nous, qui se concasse au milieu de tout ce bruit. Ce bruit accablant. Cette écrasante impoésie. » (Côté, p. 35)
Appel à l’action, la proposition de Côté fait état d’un besoin : la nécessité de poésie pour la suite du monde. L’auteure entrevoit celle-ci comme s’affranchissant de toute logique marchande : « elle éclate et se crée en même temps » (Côté, p. 13). Comme symphonie, cette beauté est un chaos désobéissant et insoumis qui lutte contre les engrenages du monde. Contre une vie rangée mais malheureuse, Côté troque une vie heureuse modelée par une constante résistance vis-à-vis un monde qui capitule; pour elle, « toute poésie part de là : d’une insoumission, d’une insubordination, [puis elle] est l’expression de ce qui reste droit en nous quand tout fout le camp [...]. » (Côté, p. 73) Si cette lutte est épuisante lorsqu’elle est menée seul·e, elle peut aussi devenir une force agissante lorsqu’une collectivité s’y dédie. En ce sens, Côté convie les masses à combattre la menace d’un anéantissement à venir pour mieux penser la marge et s’agrandir à l’unisson. Récit d’espoir, La vie habitable est ainsi une invitation à se donner le droit à l’insubordination pour s’offrir une résilience commune dans laquelle puiser du beau, du lumineux, et enfin combattre l’ombre.
Véronique Côté. 2014. La vie habitable : poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires. Atelier 10, Montréal, 94 p.