Poétique de l’effacement: la présence dans l’absence
Centre d’art de Kamouraska | 2023
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Quand je ne dis rien je pense encore,
récit du quotidien s’il en est, fait
graviter le lectorat dans les petites et
grandes tornades qui peuplent les
jours qui se succèdent. Camille
Readman Prud’homme propose une
douce traversée dans ses propres
dislocations – là où le corps se tord et
trahit les inconforts, les rigidités et les
mensonges auxquels nous ne croyons
pas nous-mêmes. Se penser, se
retrouver dans son être et non dans
l’image que l’on en a relève d’une
contorsion où seuls l’espace, le silence
et le temps demandent à exister. Le
train des regards, les files de tâches où
il fait bon se perdre puis toutes ces
situations microscopiques qui, dans
leur latence, font jaillir le malaise de la
civilisation – les motifs d’un chaos
organisé se déploient au fil des pages
qui racontent la vertigineuse
gymnastique du réel.
Exsudant la capacité de l’auteure à s’imprégner de tout ce qui se pose sur sa trajectoire, la forme du récit à la frontière de la poésie et de la prose sert sa vocation lyrique mais non moins réflexive. En effet, le bouquin est vivement marqué par l’aptitude de son écrivaine à se voir à l’œuvre : sa pensée travaille manifestement le sensible dans tous ses recoins, captant l’essence des mécaniques humaines et leur répercussion sur le soi et sur l’autre. Se mettant d’entrée de jeu en scène, s’étudiant, s’expliquant, l’auteure migre vers une position où, en hauteur, elle peut voir, observer les rites que nous ne questionnons plus. Devant témoin, son récit agit comme révélateur.
Par cette déclinaison de pensées multiples qui retracent l’écologie du monde, Camille Readman Prud’homme pose la complexité des relations humaines, les jeux d’échelle entre le personnel et l’universel, le poétique et le politique d’une vie en silos puis le découpage des territoires intérieurs et extérieurs. Fresque non exhaustive des sociétés contemporaines, le récit propose une réflexion aussi intime que possible, l’écrivaine se réfléchissant à l’aune de ce qu’elle perçoit des autres. Elle invite à s’habiter le corps et l’esprit, se recueillir puis se découvrir dans ses mécanismes qui nous montrent au monde – un rappel nécessaire militant en faveur de l’arrêt, de la contemplation, de la réflexivité, où parfois « on croirait qu’il n’y a plus de seuil entre ce que je suis et ce qui m’entoure ». (Readman Prud’homme, p. 49) Se déposer au cœur de soi afin d’éviter l’effacement devient la clé de lecture de ce livre mouvant qu’il faut déplier longtemps.
Camille Readman Prud’homme. 2021. Quand je ne dis rien je pense encore. L’Oie de Cravan, Montréal, 105 p.
« moi je me disloque quand la panique me saisit et qu’il faut la cacher, quand je m’ennuie et qu’il n’y a pas d’issue. je me disloque quand la conversation devient une enquête ou une joute, ou quand au travail mes gestes et mon temps ne m’appartiennent plus. je me disloque quand chez le médecin le désir d’avoir des bonnes notes continue de me prendre et qu’au lieu de dire ce qu’il en est, je dis ce qui serait raisonnable. » (Readman Prud’homme, p. 22)
Exsudant la capacité de l’auteure à s’imprégner de tout ce qui se pose sur sa trajectoire, la forme du récit à la frontière de la poésie et de la prose sert sa vocation lyrique mais non moins réflexive. En effet, le bouquin est vivement marqué par l’aptitude de son écrivaine à se voir à l’œuvre : sa pensée travaille manifestement le sensible dans tous ses recoins, captant l’essence des mécaniques humaines et leur répercussion sur le soi et sur l’autre. Se mettant d’entrée de jeu en scène, s’étudiant, s’expliquant, l’auteure migre vers une position où, en hauteur, elle peut voir, observer les rites que nous ne questionnons plus. Devant témoin, son récit agit comme révélateur.
« j’ai connu des gens qui ne voyaient que les surfaces. l’irritation dans la voix (mais pas dans la phrase), la déception cachée derrière le visage (mais restée dans les yeux), ils ne les ont pas vues; les demandes qu’on n’osait pas faire mais qui changeaient pourtant le ton des conversations, la rugosité des rapports qui s’installait bien avant que n’arrivent les cassures, tout cela n’aura jamais existé, car pour être reconnues par eux les choses devaient être évidentes comme un trait de crayon feutre. » (Readman Prud’homme, p. 59)
Par cette déclinaison de pensées multiples qui retracent l’écologie du monde, Camille Readman Prud’homme pose la complexité des relations humaines, les jeux d’échelle entre le personnel et l’universel, le poétique et le politique d’une vie en silos puis le découpage des territoires intérieurs et extérieurs. Fresque non exhaustive des sociétés contemporaines, le récit propose une réflexion aussi intime que possible, l’écrivaine se réfléchissant à l’aune de ce qu’elle perçoit des autres. Elle invite à s’habiter le corps et l’esprit, se recueillir puis se découvrir dans ses mécanismes qui nous montrent au monde – un rappel nécessaire militant en faveur de l’arrêt, de la contemplation, de la réflexivité, où parfois « on croirait qu’il n’y a plus de seuil entre ce que je suis et ce qui m’entoure ». (Readman Prud’homme, p. 49) Se déposer au cœur de soi afin d’éviter l’effacement devient la clé de lecture de ce livre mouvant qu’il faut déplier longtemps.
Camille Readman Prud’homme. 2021. Quand je ne dis rien je pense encore. L’Oie de Cravan, Montréal, 105 p.