Pierre Bourgault aussi poétique que critique à Occurrence
Le Devoir | 2023
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Une exposition née d’un geste d’amitié : voilà ce à quoi nous convie la proposition inédite de Salissures, actuellement présentée à la galerie Occurrence. L’artiste Pierre Bourgault, qui a reçu le prix Paul-Émile Borduas en 2020 et le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques en 2022, y est accompagné de quatre acolytes avec qui il a entretenu une collaboration étroite. Ensemble, ils sont ici à la fois artistes et commissaires. En croisant leurs regards, ils articulent un projet où la conversation et la complicité sont saillantes.
Une approche introspective plutôt que rétrospective
L’invitation de Lili Michaud, directrice d’Occurrence, lancée à Pierre Bourgault est à l’origine d’une exposition sensible et intelligente. Dernièrement, la galerie innove par une programmation qui donne à des artistes qui ont marqué l’histoire de l’espace une seconde occasion d’exposer, créant ainsi une continuité avec le passé. Cette proposition constitue une bougie d’allumage pour l’artiste : d’abord incertain de vouloir se plonger dans un projet carte blanche comme celui-là, il finit par s’y abandonner et par embrasser un processus de création à cinq.
L’exposition se ficelle doucement, au gré des marées et des discussions entre collègues artistes qui, pour la plupart, prennent vie dans l’atelier de Pierre à Saint-Jean-Port-Joli. « Tout ça s’est passé de façon très organique, par la force des choses. Il était question qu’Anne-Marie [Proulx] et moi soyons dans le coup, et Pierre [Bourgault] reparlait toujours de Marie-Ève [Charron] et de Gwenaël [Bélanger], de leur projet en parallèle… », lance l’autrice Gentiane La France.
Près du fleuve, l’espace de création de Pierre Bourgault est un lieu de rencontres parfois fortuites, parfois organisées. S’ils ne sont pas souvent les cinq à y être, ils y passent tour à tour, façonnant naturellement le projet autour de la poésie et du territoire, des questions qui les lient tous. « Tous ces allers-retours entre l’atelier et le territoire nourrissent le travail de Pierre, mais aussi sa vie. […] C’est ce qui est fascinant avec Pierre : il est connu pour ses œuvres, mais aussi pour ce qu’il est », expliquent ensemble Anne-Marie Proulx et Gentiane La France, qui offrent, dans la première salle de l’exposition, un regard sur une vie entière passée auprès des éléments naturels. L’Ansillon de l’artiste trône dans l’espace. Grandiose, la sculpture immersive à mi-chemin entre le bateau et l’habitacle invite le public à y naviguer un temps, porté par les images de Proulx qui semblent disperser un vent du fleuve, révélant non loin les trajets des épopées de navigation de Bourgault. Les mots de La France nouent l’ensemble : « Le corps, aspiré, pénètre au gré du vent et s’encastre dans l’entrepont solitaire […]. Rasant les horizons, il fait gonfler les voiles et les cœurs. »
L’installation crée un passage menant à la seconde salle de l’exposition, là où Gwenaël Bélanger et Marie-Ève Charron rencontrent Pierre sous un autre jour. Le projet était déjà sur les rails depuis quelque temps : il met à l’honneur les chiennes de travail brodées de l’artiste qui, enfouies sous d’autres oeuvres, ont jadis capté l’attention de Marie-Ève Charron à l’atelier. Gwenaël Bélanger, alors en résidence à Est-Nord-Est, un lieu d’émulsion créative fondé par Pierre Bourgault à Saint-Jean-Port-Joli, était venu les photographier, alors qu’elles étaient portées par l’artiste. À Occurrence, cette série refait surface, accompagnée des textes de Marie-Ève Charron, qui brossent un portrait clair des postures multiples adoptées par Bourgault dans sa pratique. À la frontière de la critique sociale et de la poésie, les chiennes arborent des extraits du cru de l’artiste. Elles figurent, empilées, aux côtés d’une sélection de miniatures issues de la tradition port-jolienne de sculpture sur bois, tout droit sorties de la collection de Bourgault. Art contemporain et artisanat se croisent et révèlent l’importance, pour l’artiste, de montrer « toutes ces choses valables qui se font dans [s]on coin de pays », tout en soulignant les éléments de rupture qui existent entre celles-ci et son travail.
L’humilité dans la création
Le projet se porte à la rencontre des couches concentriques qui alimentent la figure d’artiste-navigateur de Pierre Bourgault. La collaboration des cinq, horizontale, réinvente toutefois la façon habituelle de concevoir et de produire une exposition. « Je pense qu’on a eu le goût de braquer notre regard sur la pratique de Pierre, mais aussi de provoquer quelque chose dans nos propres pratiques, de faire quelque chose d’inhabituel et de redéfinir les rôles en plongeant dans une nouvelle générosité. », suggère Gwenaël Bélanger.
Bourgault renchérit : « Ça parle de la mer, ça parle de critiques, ça parle de concepts ; ces choses-là n’ont pas le même sens une fois mis ensemble comme ça. Chaque personne a eu un impact théorique sur ce qui est proposé. Ça parle de ma vie, de mon travail, mais je me suis obstiné, je ne voulais pas que ce soit juste moi, je voulais qu’on voie l’impact du partage dans l’expo. » Le lien d’affection entre les collaborateurs a permis une atmosphère de cocréation. En résulte une exposition forte et introspective, nourrie par la poésie et un maillage des univers de chacun.
Salissures
De Pierre Bougault, avec Gwenaël Bélanger, Marie-Ève Charron, Gentiane La France et Anne-Marie Proulx. À Occurrence, à Montréal, jusqu’au 16 décembre.
Une approche introspective plutôt que rétrospective
L’invitation de Lili Michaud, directrice d’Occurrence, lancée à Pierre Bourgault est à l’origine d’une exposition sensible et intelligente. Dernièrement, la galerie innove par une programmation qui donne à des artistes qui ont marqué l’histoire de l’espace une seconde occasion d’exposer, créant ainsi une continuité avec le passé. Cette proposition constitue une bougie d’allumage pour l’artiste : d’abord incertain de vouloir se plonger dans un projet carte blanche comme celui-là, il finit par s’y abandonner et par embrasser un processus de création à cinq.
L’exposition se ficelle doucement, au gré des marées et des discussions entre collègues artistes qui, pour la plupart, prennent vie dans l’atelier de Pierre à Saint-Jean-Port-Joli. « Tout ça s’est passé de façon très organique, par la force des choses. Il était question qu’Anne-Marie [Proulx] et moi soyons dans le coup, et Pierre [Bourgault] reparlait toujours de Marie-Ève [Charron] et de Gwenaël [Bélanger], de leur projet en parallèle… », lance l’autrice Gentiane La France.
Près du fleuve, l’espace de création de Pierre Bourgault est un lieu de rencontres parfois fortuites, parfois organisées. S’ils ne sont pas souvent les cinq à y être, ils y passent tour à tour, façonnant naturellement le projet autour de la poésie et du territoire, des questions qui les lient tous. « Tous ces allers-retours entre l’atelier et le territoire nourrissent le travail de Pierre, mais aussi sa vie. […] C’est ce qui est fascinant avec Pierre : il est connu pour ses œuvres, mais aussi pour ce qu’il est », expliquent ensemble Anne-Marie Proulx et Gentiane La France, qui offrent, dans la première salle de l’exposition, un regard sur une vie entière passée auprès des éléments naturels. L’Ansillon de l’artiste trône dans l’espace. Grandiose, la sculpture immersive à mi-chemin entre le bateau et l’habitacle invite le public à y naviguer un temps, porté par les images de Proulx qui semblent disperser un vent du fleuve, révélant non loin les trajets des épopées de navigation de Bourgault. Les mots de La France nouent l’ensemble : « Le corps, aspiré, pénètre au gré du vent et s’encastre dans l’entrepont solitaire […]. Rasant les horizons, il fait gonfler les voiles et les cœurs. »
L’installation crée un passage menant à la seconde salle de l’exposition, là où Gwenaël Bélanger et Marie-Ève Charron rencontrent Pierre sous un autre jour. Le projet était déjà sur les rails depuis quelque temps : il met à l’honneur les chiennes de travail brodées de l’artiste qui, enfouies sous d’autres oeuvres, ont jadis capté l’attention de Marie-Ève Charron à l’atelier. Gwenaël Bélanger, alors en résidence à Est-Nord-Est, un lieu d’émulsion créative fondé par Pierre Bourgault à Saint-Jean-Port-Joli, était venu les photographier, alors qu’elles étaient portées par l’artiste. À Occurrence, cette série refait surface, accompagnée des textes de Marie-Ève Charron, qui brossent un portrait clair des postures multiples adoptées par Bourgault dans sa pratique. À la frontière de la critique sociale et de la poésie, les chiennes arborent des extraits du cru de l’artiste. Elles figurent, empilées, aux côtés d’une sélection de miniatures issues de la tradition port-jolienne de sculpture sur bois, tout droit sorties de la collection de Bourgault. Art contemporain et artisanat se croisent et révèlent l’importance, pour l’artiste, de montrer « toutes ces choses valables qui se font dans [s]on coin de pays », tout en soulignant les éléments de rupture qui existent entre celles-ci et son travail.
L’humilité dans la création
Le projet se porte à la rencontre des couches concentriques qui alimentent la figure d’artiste-navigateur de Pierre Bourgault. La collaboration des cinq, horizontale, réinvente toutefois la façon habituelle de concevoir et de produire une exposition. « Je pense qu’on a eu le goût de braquer notre regard sur la pratique de Pierre, mais aussi de provoquer quelque chose dans nos propres pratiques, de faire quelque chose d’inhabituel et de redéfinir les rôles en plongeant dans une nouvelle générosité. », suggère Gwenaël Bélanger.
Bourgault renchérit : « Ça parle de la mer, ça parle de critiques, ça parle de concepts ; ces choses-là n’ont pas le même sens une fois mis ensemble comme ça. Chaque personne a eu un impact théorique sur ce qui est proposé. Ça parle de ma vie, de mon travail, mais je me suis obstiné, je ne voulais pas que ce soit juste moi, je voulais qu’on voie l’impact du partage dans l’expo. » Le lien d’affection entre les collaborateurs a permis une atmosphère de cocréation. En résulte une exposition forte et introspective, nourrie par la poésie et un maillage des univers de chacun.
Salissures
De Pierre Bougault, avec Gwenaël Bélanger, Marie-Ève Charron, Gentiane La France et Anne-Marie Proulx. À Occurrence, à Montréal, jusqu’au 16 décembre.