Galadriel Avon


ce qui du monde se prélève permet à l’œil de s’ouvrir, catalogue

ce qui du monde se prélève permet à l’œil de s’ouvrir | 2020
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L’exposition réunit les artistes Maude Arès, Amélie Proulx, Giorgia Volpe et Shabnam Zeraati, dont le travail interroge les relations qui se tissent entre les différentes formes du vivant ou du non-vivant. Leurs pratiques sensibles, qui s’intéressent à la fragilité, explorent une diversité d’approches telles que la création de micro-univers se présentant comme des écosystèmes isolés et précaires, l’agencement de formes hybrides mettant en scène différentes morphologies du vivant ou l’élaboration de formes témoignant de la construction mouvante des identités par leur occupation des espaces. Au lieu d’une exposition initialement prévue en galerie, il met en place une initiative numérique pour rejoindre les publics. Une visite virtuelle de l’exposition telle qu’elle était initialement prévue à la Galerie de l’UQAM est disponible, et le projet ce qui du monde se prélève permet à l’œil de s’ouvrir se déploie également grâce à une publication numérique, téléchargeable gratuitement.

édition | Galadriel Avon, Camille Bourgeois, Marie-Hélène Durocher et Mylène Landry, sous la direction de Véronique Leblanc et du Collectif 20
rédaction | Galadriel Avon, Florence Brissette, Camille Bourgeois, Daphnée Cardinal, Charlotte Dion-Gagnon, Marie-Hélène Durocher, Mylène Landry, Béatrice Larochelle et Shabnam Zeraati
révision | Caroline Hugny-Martialis
graphisme | Roxanne Thibert
production | Collectif 20




éditorial 

Annoncer la disparition, et nous rêverons encore
Galadriel Avon, Camille Bourgeois, Marie-Hélène Durocher et Mylène Landry 

L’espace du songe nuance la menace portée à la Beauté par le tumulte quotidien, la surabondance de stimuli. L’instable matériel nourrit l’expérience habitable. Révéler la forme nouvelle et imprégner le réel d’une part d’onirisme: l’instigation d’une sensibilité pour l’harmonie de différentes forces antagonistes, afin de parvenir à l’idéal inébranlable du délicat.

Par l’ouverture d’un espace réflexif, des approches malléables rendent manifestes des hétérotopies convergentes. La manipulation de fragments issus du monde réel permet la réorganisation de la matière en des microcosmes imaginaires. Les œuvres, sédimentations des interventions des artistes, se présentent comme des écosystèmes isolés et précaires, rendant compte de l’intangible. Par l’assemblage de divers éléments prélevés à même le palpable, des tensions sont soulevées. La conjoncture de ces propositions artistiques met en lumière des dynamiques qui investissent les espaces négatifs entre divers objets. À travers la multiplicité des remaniements qu’offrent à voir les démarches de Maude Arès, Amélie Proulx, Giorgia Volpe et Shabnam Zeraati, le prélèvement se manifeste sous différentes formes, laissant une trace. Ces empreintes nous convient à poser un nouveau regard sur les choses qui nous entourent, puisqu’elles rendent perceptibles des substances qui, autrement, restent de l’ordre du dissimulé. Des marques inscrites dans la matière se présentent ainsi comme un dénominateur commun des démarches de ces artistes: par ce processus, le statut de ce qui se dérobe au regard est rehaussé, déconstruisant par le fait même une hiérarchie entre visible et invisible. Le prélèvement permet également l’arrimage d’une méthode scientifique au monde des arts: la cueillette de données sensibles supporte la démarche de celles qui, par voie empirique, s’appliquent à imprégner la forme de leur subjectivité. De la céramique, de la photographie argentique, de la gravure et du moulage se profile un désir de figer les marques du temps et d’observer les rencontres dans la matière, mettant en relief son vécu ainsi que l’intervention de l’artiste qui les révèle.

La matérialité, éminemment investie dans ces démarches, met à l’épreuve la rigidité des codes de l’histoire de l’art qui cloisonnent les pratiques artistiques. En mettant de l’avant le faire, les artistes se jouent de l’étanchéité des catégories de la discipline, en réactivant des techniques traditionnellement marginalisées. La fonction utilitaire associée aux objets issus de procédés artisanaux se dilue dans la contemplation, faisant jaillir leur valeur esthétique au passage. Des motifs découlant du tissage et du tricot, ou des matériaux laissés à l’écart des beaux-arts comme le papier, le plâtre ou la porcelaine, permettent de dévoiler la présence de ces artistes dans les réflexions sur la hiérarchie des pratiques. Non sans faire allusion à la longue et ardue inclusion des femmes dans l’histoire de l’art, l’intégration de médiums tels que le dessin et la photographie dans le corpus des oeuvres de ce qui du monde se prélève permet à l’oeil de s’ouvrir compromettent les notions conventionnelles d’arts « mineurs » et « majeurs ».